Le Canada doit-il intervenir davantage?
En 2021, le Canada a officiellement adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA).
C’était un événement marquant pour la réconciliation entre le gouvernement canadien et les peuples indigènes du Canada. Notamment, le gouvernement fédéral a renouvelé ses efforts pour fournir de l’eau potable aux communautés indigènes. De plus, en 2022, le Canada a reconnu officiellement que le respect des droits des indigènes à l’étranger est impératif et reconnu ainsi parmi les entreprises canadiennes basées à l’international. Toutefois, il faut que le Canada continue ses efforts afin de soutenir la réalisation de la DNUDPA, particulièrement à l’intérieur de ses frontières.
L’Assemblée nationale du Québec a adopté le Projet de loi 96 (la loi 96) le 24 mai, 2022. Cette loi vise la protection de la langue française au Québec. Cependant, ce but méritoire n’assure pas le respect du droit des peuples indigènes de « développer et de transmettre … leur langue » que la DNUDPA affirme par son Article 13. Ce commentaire vise donc à analyser le défi de promouvoir la réconciliation dans le contexte de la protection de la langue française au Canada.
La loi 96
En 1977, le Québec a adopté la Charte de la langue française, surnommée la loi 101. Celle-ci a été récemment modifiée par la loi 96. La loi 101, telle qu’elle est rédigée, exclut les peuples indigènes de ses exigences liées à l’enseignement en français pour les étudiants en maternelle, aux primaires et aux secondaires.
La loi 96, de sa part, ajoute des exigences linguistiques pour l’enseignement collégial au Québec. Contrairement aux impositions éducationnelles de la loi 101, la loi 96 n’exclut pas les peuples Indigènes directement.
La loi 96 exige que chaque étudiant(e) collégial réussisse « trois cours données en français » (excluant les cours linguistiques ou l’éducation physique), qu’il/elle ait un niveau de français écrit qui satisfait les exigences du gouvernement québécois et qu’il/elle connaisse le français suffisamment à l’avis du gouvernement québécois.
L’entente avec le CBJNQ
Comme la Cour suprême du Canada nous indique dans LSBC c. Andrews, les lois neutres ont souvent la capacité de promouvoir les inégalités sociales actuelles. Le Québec a reconnu ce risque avec la loi 96 et a entrepris une mesure importante. Le Québec a établi une entente avec un grand nombre de personnes indigènes au Québec : les premières nations qui font partie de la convention Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ). L’entente exclut ces peuples indigènes des nouvelles exigences linguistiques dans le système collégial du Québec. Malgré cette mesure importante, le gouvernement québécois inclut toujours certaines communautés indigènes parmi les impositions linguistiques de la loi 96.
Importance et la résistance
En Ontario, il est difficile de comprendre l’impact de cette loi à travers un système collégial. Les règles ne touchent pas le système universitaire québécois. Au Québec, pourtant, il faut constater que 70.9% des étudiants secondaires vont directement aux Collèges d’enseignement général et professionnel (cégeps) après l’école secondaire.
Ces règles affectent donc beaucoup d’étudiant(e)s indigènes pour des raisons particulières. Notamment, le Conseil en Éducation des Premières Nations (CEPN) souligne que ces étudiants parlent fréquemment l’Anglais comme leur première langue et leur langue traditionnelle deuxième. Donc, un niveau de français obligatoire est un défi additionnel, selon le Kahnawà:ke Education Center, pour des communautés qui luttent déjà à protéger leurs propres langues et cultures. Le tout sans considérer que, comme le CEPN nous démontre, ces communautés se souviennent des efforts assimilationnistes de plusieurs gouvernements canadiens, dans le domaine de la langue, remontant jusqu’à au moins les années soixante.
Pour résumer, la loi 96 est un « pas en arrière ». Un pas en arrière non-intentionné, mais un recul tout de même. Par conséquent, les communautés qui se sentent menacées ont déjà commencé leur résistance. L’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador a soumis une contestation juridique auprès de la Cour supérieure du Québec en avril 2023 qui n’a pas encore de décision.
La responsabilité du Canada
Puisque le Canada considère la DNUDPA comme parmi ses propres lois, notre pays reconnaît que « Les peuples autochtones ont le droit de revivifier, d’utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire (et) leur langue » (Article 13). La DNUDPA ne limite pas ce droit aux peuples qui ont négocié déjà des ententes avec les états dans lesquels ils se trouvent. Elle clarifie que les droits qu’elle protège sont « intrinsèques. » Considérant ses obligations sous la DNUDPA, le Canada a une responsabilité d’agir pour protéger ces droits linguistiques, incluant ceux des peuples qui ne sont pas compris dans le CBJNQ.
Le Canada fait face à de nombreux défis. Le Québec a invoqué la clause dérogatoire pour soutenir la loi 96. Ainsi, le Canada ne peut pas contester la loi en employant la section 15 (égalité) de la Charte des droits et libertés. Le Québec a aussi le pouvoir de rédiger ses propres lois sur l’éducation. Cependant, le Canada peut intervenir davantage. Il pourrait adopter une loi qui renforce le droit des peuples indigènes d’obtenir une éducation dans la langue de leur choix et d’essayer de la défendre sous la doctrine de la prépondérance fédérale. De plus, il pourrait nommer un fonctionnaire qui a comme mandat de superviser les responsabilités canadiennes sous la DNUDPA. Notamment, le gouvernement a déjà nommé un fonctionnaire pour surveiller l’adhérence à la DNUDPA par les entreprises canadiennes basées à l’étranger. Ce fonctionnaire pourrait collaborer avec le Québec pour établir des modifications de la loi 96 qui accèdent aux responsabilités canadiennes sous la déclaration.
Conclusion
En conclusion, les communautés indigènes nous démontrent clairement les défis que la loi 96 leur impose. La création de ses défis n’était pas l’intention du gouvernement québécois en rédigeant la loi. Toutefois, le Canada s’est engagé à respecter la DNUDPA et il ne peut donc pas sacrifier les droits qui sont dus aux peuples indigènes. La responsabilité ultime réside avec le gouvernement fédéral pour assurer, sans exception, le développement et la transmission des langues indigènes au Canada.